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La théologie de la croix
26 mars, 2021
Le double remède
2 avril, 2021
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La tête fédérale

Note de l’éditeur : Ceci est le deuxième chapitre de la série La croix de Christ

L’apôtre Paul ne croyait pas que les êtres humains étaient fondamentalement de bonnes personnes qui font de mauvaises choses. Les premiers chapitres de son épître aux Romains sont consacrés à la thèse selon laquelle, à l’exception de Jésus Christ, tout être humain est par nature injuste, coupable et digne de la mort. « Juifs et non-Juifs sont tous sous la domination du péché », conclut Paul (Ro 3.9).

Ce portrait sombre et sans complaisance de l’humanité soulève au moins deux questions : comment se fait-il que nous ne voyons aucune exception à la dépravation universelle de l’homme ? Y a-t-il un espoir pour les pécheurs qui se trouvent sous la juste condamnation de Dieu et qui ne sont pas en mesure de se soustraire au jugement divin ?

Paul répond à ces deux questions d’une manière inattendue dans l’épître aux Romains. Notre situation de pécheur remonte à Adam. Notre seul espoir en tant que pécheurs réside dans le second Adam, Jésus Christ. En Romains 5.12-21, l’apôtre nous aide à voir comment l’œuvre de chaque homme, Adam et Jésus, affecte chaque être humain aujourd’hui.

En Romains 5.14, Paul dit qu’Adam « est la figure de celui qui devait venir, » c’est-à-dire Jésus Christ. Comme Jésus, Adam était un être humain véritable, historique. Bien que Jésus ne soit pas simplement un homme, il est un homme véritable. Paul affirme ici une correspondance entre Adam et Jésus. C’est dans 1 Corinthiens que l’apôtre fournit un langage qui nous aide à mieux comprendre leur relation. Si Adam est « le premier homme », alors Jésus est « le dernier Adam » (1 Co 15.45). Adam est « le premier homme » ; Jésus, « le second homme » (v.47). Adam et Jésus sont des hommes représentatifs. Personne ne s’interpose entre le premier homme et le dernier Adam. Et aucun ne suit Jésus, le deuxième homme. Paul nous dit que tout être humain, en tout temps et en tout lieu du monde, a une relation représentative soit avec Adam, soit avec Jésus (voir v.47-48). C’est dans le contexte de cette relation que ce que le représentant a fait entre en possession du représenté.

En Romains 5, Paul examine ces relations représentatives à la loupe. L’apôtre veut que nous voyions comment la « faute d’un seul », celle d’Adam, affecte tous ceux qui sont en Adam. Il le fait pour aider les croyants (ceux qui sont « en Christ ») à voir comment l’obéissance et la mort de Christ les affectent.

Certains des termes les plus importants que Paul utilise en Romains 5.12-21 proviennent du champ judiciaire. Contre la « condamnation » de ceux qui sont en Adam se dresse la « justification » de ceux qui sont en Christ (v.16, 18). Le mot souvent traduit par « rendus » au verset 19 (« En effet, tout comme par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs, beaucoup seront rendus justes par l’obéissance d’un seul. » [mis en italique par l’auteur]) est plus précisément rendu par « désignés ». Le point de Paul dans ce verset n’est pas que le péché d’Adam nous transforme en personnes personnellement pécheresses, ni que l’obéissance de Jésus nous transforme en personnes personnellement justes. Ce qu’il veut dire ici, c’est que, à la lumière de la désobéissance d’Adam, ceux qu’il représente appartiennent à une nouvelle catégorie juridique (pécheur). De la même manière, c’est à cause de l’obéissance de Jésus que son peuple est admis dans une nouvelle catégorie juridique (juste).

Le terme technique théologique qui décrit cette transaction impliquant le représentant et le représenté est l’imputation. L’unique péché d’Adam est imputé (comptabilisé, compté) à tous ceux qu’il représente. Suite à cette transaction, tous ceux qui sont « en Adam » tombent sous le coup de la condamnation. C’est-à-dire qu’ils sont passibles de la justice divine pour l’unique péché d’Adam qui leur a été imputé. D’autre part, la justice de Christ est imputée à tous ceux qu’il représente. Suite à cette transaction, tous ceux qui sont « en Christ » sont justifiés. Dieu les considère comme justes, mais pas pour ce qu’ils ont fait, ce qu’ils font ou ce qu’ils feront jamais. Dieu ne justifie les pécheurs que sur la base de l’obéissance parfaite et de la pleine satisfaction de Christ, que Dieu leur impute et qu’ils reçoivent par la foi seule.

Les deux imputations de Romains 5.12-21 fournissent la réponse aux deux questions que nous avons soulevées ci-dessus. La raison pour laquelle « il n’y a pas de juste, pas même un seul » (3.10) découle du fait que tous les êtres humains, à l’exception du second Adam, sont par nature condamnés en Adam. La condamnation universelle, nous montre Paul, va de pair avec la dépravation universelle. C’est en raison de l’imputation du premier péché d’Adam aux êtres humains que ces êtres humains coupables, dès leur conception, héritent de leurs parents une nature déchue.

Pour ces raisons, il n’y a pas d’espoir ni de secours à trouver dans ou parmi ceux qui sont « en Adam ». Mais les pécheurs ont accès à l’espoir et au secours dont ils ont besoin. Ils ne se trouvent qu’en Jésus Christ, le deuxième et dernier Adam. Par la foi en Christ seul, le pécheur reçoit la justice de Christ. Sur la base de cette seule justice, le pécheur est justifié. Ses péchés sont pardonnés et il est considéré comme juste dans le tribunal de Dieu. Uni à Christ et justifié par la foi en Lui, le croyant est transformé à l’image de Christ par la puissance du Saint-Esprit.

L’une des difficultés que certains ont souvent exprimées à l’égard de l’enseignement de Paul dans Romains 5.12-21 peut être résumée par l’objection suivante : « Ce n’est pas juste ! » De nombreuses personnes demandent : « Est-il vraiment juste que Dieu me punisse pour quelque chose que quelqu’un d’autre a fait ? Après tout, personne ne m’a jamais demandé si je voulais être représenté par Adam. Comment un Dieu juste et bon peut-il me condamner en ces termes ? »

Cette objection est sérieuse et mérite une réflexion approfondie. En effet, la relation de représentation que Dieu a instituée entre Adam et les êtres humains met en évidence la bonté, la souveraineté et la justice de Dieu. La bonté de Dieu est évidente dans ses rapports avec Adam dans le jardin d’Eden, rapports qui concernent chaque personne qu’Adam a représentée. Dieu a créé Adam comme un homme juste. La pensée, le choix, les sentiments et le comportement d’Adam étaient tous sans péché. Dieu a placé Adam dans le paradis et lui a permis de profiter de sa générosité. Dieu a fait à Adam la promesse d’une vie éternelle assurée et ne lui a demandé que de s’abstenir, pendant un certain temps, de manger d’un seul arbre du jardin. Il est difficile de concevoir des circonstances plus avantageuses pour notre représentant, Adam. Chaque détail de l’alliance que Dieu a conclue avec Adam reflète la bonté de Dieu. En tant que pécheurs, vivant parmi les pécheurs dans un monde de péchés, aurions-nous pu espérer de meilleures perspectives qu’Adam, notre représentant dans le jardin d’Eden ?

La relation de représentation que Dieu a établie entre Adam et sa progéniture ordinaire témoigne également de la souveraineté et de la justice de Dieu. Adam et nous sommes tous deux les créatures des mains de Dieu. Dieu a le droit d’ordonner nos vies comme il l’entend, et nous n’avons pas le droit de lui demander des comptes (voir Ro 9.19-20). En agissant comme il le fait, il ne commet aucune injustice envers nous. Au contraire, il agit conformément à son propre caractère juste.

Nous devrions garder à l’esprit au moins deux considérations supplémentaires et complémentaires lorsque nous réfléchissons à la relation que Dieu a instituée entre Adam et les êtres humains. Premièrement, Dieu n’a pas institué une telle relation entre les anges. Chaque ange se tient individuellement devant Dieu. Certains anges sont restés obéissants à Dieu, tandis que d’autres anges sont tombés dans le péché. Dieu n’a pas prévu de médiateur pour ces anges déchus, et il ne leur offre aucune miséricorde salvatrice. « Quant aux anges qui n’ont pas conservé leur rang mais ont abandonné leur demeure propre, il les a enchaînés éternellement dans les ténèbres pour le jugement du grand jour » (Jude 6).

Deuxièmement, c’est par le même type de relation représentative dans laquelle nous, en Adam, sommes tombés dans le péché que Dieu a racheté les pécheurs déchus et indignes. Lorsque le pécheur est uni à Jésus Christ par la foi seule, il passe de la condamnation à la justification, et il reçoit librement la justice de Jésus Christ. Le pécheur ne reçoit pas ce don de la justice en raison de ce qu’il a fait, de ce qu’il fait ou de ce qu’il fera jamais. Dieu, au contraire, impute gracieusement cette justice au pécheur, qui la reçoit par la foi. Et même cette foi est le don même de Dieu (Ép 2.8 ; Phil 1.29).

C’est pourquoi, en tant que chrétiens, nous regardons le salut que nous avons reçu en Christ et nous disons : « Ce n’est pas juste ! » Nous ne disons pas cela avec le poing serré de la colère et du défi, mais avec la main ouverte de la louange et de l’action de grâce. La Bonne Nouvelle de l’Évangile est que Dieu ne nous a pas donné ce que nous méritons. Ce que nous méritons, c’est la damnation éternelle. Mais Dieu a déposé nos péchés sur Jésus Christ à la croix, et il nous a imputé la justice de son Fils lorsque nous avons cru (2 Co 5.21). Dieu ne nous a pas donné notre dû. Il nous a donné le dû de Christ. Il nous a rendu la bénédiction pour la malédiction, la justification pour la condamnation, la vie pour la mort, l’espoir pour le désespoir. Et ce faisant, il s’est montré à la fois juste et justifiant celui qui a foi en son Fils (voir Ro 3.26).

Au jour du jugement, les pécheurs impénitents ne pourront rejeter la faute sur personne d’autre qu’eux-mêmes (2.1-11). Ils seront justement jugés et condamnés, et leurs « bouches seront fermées » (Ro 3.19). En ce même jour, nous, les rachetés, ne nous vanterons pas de nous-mêmes. Nous attribuerons toute louange et toute gloire à notre Sauveur, le second Adam, le Seigneur Jésus Christ.

Ce jour n’est pas encore arrivé. En attendant, les chrétiens peuvent commencer à louer Christ dans leur esprit et dans leur corps, en paroles et en actes. Et nous pouvons montrer aux autres le Dieu qui, riche en miséricorde et abondant en amour, rend les pécheurs morts à la vie avec Christ (Ép 2.4-5).

Cet article a été publié à l’origine dans le Tabletalk Magazine.
Guy Prentiss Waters
Guy Prentiss Waters
Guy Prentiss Waters est titulaire de la chaire James M Baird Jr, professeur de Nouveau Testament au Reformed Theological Seminary de Jackson, Mississipi et ancien-enseignant dans l’église presbytérienne d’Amérique (PCA). Il est l’auteur de How Jesus runs the Church et The Life and Theology of Paul.