La reconnaissance face à la perte - Ministère Ligonier
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La reconnaissance face à la perte

Note de l’éditeur : Ceci est le neuvième chapitre de la série « Reconnaissance »publiée par le Tabletalk Magazine. 

Être reconnaissant, c’est apprécier les bienfaits que l’on reçoit, c’est être reconnaissant. Mais comment être reconnaissant quand les rêves meurent ? Lorsque la maladie, le handicap, la trahison des amitiés les plus profondes ou un certain nombre de pertes inaltérables surviennent dans nos vies ? D’où vient la reconnaissance lorsque la dure providence semble voler la joie de l’avenir ? C’était le cas de Job. Privé de pratiquement tout sauf de son souffle, Job souhaitait que sa vie n’ait jamais été.

Je suis passé par là. Je me souviens de moments où ma chère épouse et moi nous disions (à voix haute !) : « Ne serait-il pas plus facile de mourir et d’être avec Christ que de continuer à vivre ce chagrin et cette douleur ? »

Être humain signifie que nous possédons à la fois des souvenirs du passé et des aspirations pour l’avenir. Mais lorsque les souvenirs du passé sont source de douleur et que les désirs futurs sont impossibles à satisfaire (dans cette vie), la reconnaissance est une chose difficile, mais précieuse à cultiver. Mais nous devons la cultiver. Nous devons la protéger, la nourrir, l’arroser et la garder de toutes nos forces, comme une plante fragile avec une petite pousse qui naît. Quelqu’un a dit : « Dieu ne méprise pas les petits commencements. » Et l’Écriture nous rappelle qu’« Il ne cassera pas le roseau abîmé et n’éteindra pas la mèche qui fume encore, mais c’est en toute vérité qu’il révélera le droit. » (Ésaïe 42.3). C’est une pensée encourageante.

Alors que j’écris ces lignes, je me rends compte qu’il y a presque exactement trente-huit ans, de nombreux rêves sont morts pour ma femme et moi. Notre aînée, Jessica, a été diagnostiquée avec de profonds handicaps résultant d’une anomalie chromosomique. Elle aurait besoin de soins complets tout au long de sa vie. Elle ne pourrait jamais marcher, parler ou (du moins aux yeux du monde) avoir une vie qui ait un sens. La perspective de la voir devenir une jeune femme, de la conduire à l’autel du mariage, de faire rebondir ses enfants sur mes genoux dans mes vieux jours n’existait plus. Notre vie a été immédiatement liée non pas à ce que nous pouvions faire, mais à ce que nous ne pouvions plus faire compte tenu des soins que sa vie exigeait.

Les pertes les plus profondes produisent pour nous la perspective de la joie et du contentement les plus profonds.

Au début de nos recherches, je suis tombé sur une phrase saisissante pour décrire notre vie à cette époque : le chagrin chronique. Prenez le temps de méditer sur ces mots. À chaque étape de la vie, nous voyions d’autres parents réaliser avec leurs enfants ce que le nôtre ne pourra jamais faire, nous éprouvions la tristesse de ne pas pouvoir voir ce genre de choses chez notre enfant bien-aimé.

J.R.R. Tolkien nous offre un éclairage intéressant à ce sujet. Dans son essai « Sur les contes de fées », il dit que l’espoir d’une fin heureuse (dans les contes)

ne nie pas l’existence de la dyscatastrophe, de la tristesse et de l’échec : la possibilité de ces derniers est nécessaire à la joie de la délivrance ; elle nie (face à de nombreuses preuves du contraire, si vous voulez) la défaite finale universelle et, en ce sens, est evangelium [grec pour « bonne nouvelle »], donnant un aperçu fugace de la joie, de la joie au-delà des murs du monde, poignante comme la douleur.

Puis, développant cette pensée dans une lettre adressée à son fils Christopher en 1944, Tolkien écrit

La Résurrection a été la plus grande « eucatastrophe » possible dans le plus grand conte de fées – et produit cette émotion essentielle : La joie chrétienne qui produit des larmes parce qu’elle est qualitativement comme la tristesse, parce qu’elle vient de ces lieux où la Joie et la Tristesse ne font qu’un, réconciliées, comme l’égoïsme et l’altruisme se perdent dans l’Amour.

Avez-vous saisi ce qu’il dit ?  La joie et la tristesse sont si étroitement liées qu’elles produisent toutes deux des larmes. Et dans la grande histoire de Dieu, les pertes les plus profondes produisent pour nous la perspective de la joie et du contentement les plus profonds. Cela n’a aucun sens aux yeux du monde, mais c’est la nature de l’Évangile.

Il y a un merveilleux poème intitulé « Bienvenue aux Pays-Bas » d’Emily Kingsley. Parlant en tant que parente d’un enfant handicapé, elle dit que cette perte est comme un voyage en Italie pour voir les merveilles de l’architecture, de l’art et de la Renaissance du sud, mais que lorsque vous descendez de l’avion, vous êtes aux Pays-Bas. Les vents de la mer du Nord sont brutaux, les couleurs sont sourdes, l’art, la culture et la langue ne sont pas ce à quoi vous vous attendiez. Pourtant, si on y paie attention, la beauté se trouve dans les tulipes et les moulins à vent. Elle conclut : « Si vous passez votre vie à pleurer le fait que vous n’avez pas pu aller en Italie, vous ne serez peut-être jamais libre de profiter des choses très spéciales, très belles… des Pays-Bas. » Soyez reconnaissants pour ces petites bénédictions. Nourrissez-les pour qu’elles vous procurent de la joie.

Joni Eareckson Tada nous rappelle que « parfois, Dieu permet à ce qu’il déteste d’accomplir des choses qu’il aime », même pour notre sanctification et notre salut. Il y a là une vérité profonde qui éclaire notre compréhension de la reconnaissance, même face à la perte.

Cet article a été publié à l’origine dans le Tabletalk Magazine.

Michael S. Beates
Michael S. Beates
Le Dr Michael S. Beates, ancien rédacteur en chef adjoint de Tabletalk, a enseigné au Reformed Theological Seminary, Florida Southern, et au Belhaven College.