La piété personnelle du royaume
11 novembre, 2024Entrer dans le royaume
15 novembre, 2024Le royaume céleste et le royaume terrestre
Note de l’éditeur : Ceci est le cinquième chapitre de la série Manuel pour vivre dans le royaume : Le Sermon sur la montagne.
Matthieu 7.1-12 fait partie du Manuel pour vivre dans le royaume, également appelé le Sermon sur la montagne (Matthieu 5-7), qui semble en fait être un échantillon de l’enseignement de Jésus sur le royaume, dispensé sur une certaine période (voir Matthieu 4.17, 23). Le royaume de Dieu, ou des cieux, est la nouvelle création qui sera consommée lors du retour du Christ. La première création, ou royaume du monde (Ap 11.15), est dominée par le péché et la mort pour ses sujets, tandis que nous, qui faisons confiance au Christ, recevons le don de grâce de la citoyenneté dans le royaume de la nouvelle création, bien que nous devions maintenant souffrir pour un peu de temps jusqu’à la consommation (Mt 5.3, 10-12 ; voir 1 Pierre 1.6, 5.10).
L’enseignement de Jésus précise que les héritiers de la vie dans le royaume des cieux vivent de ce côté-ci de la gloire, dans l’ancienne création, à côté de ceux qui sont du monde. Nous ne sommes pas du monde, mais nous en faisons partie, et nous devons agir comme des émissaires, de sel et de lumière, pour le royaume terrestre, même si nous partageons temporairement ses afflictions (Jean 15.16-19 ; 2 Cor 4.16-5.5, 17 ; Phil 3.19-21). Pour nous, les afflictions sont sanctifiantes, et non des actes de jugement divin (Rm 8.1 ; Jc 1.2-4), et nous savons que notre témoignage du Christ dans cette ère-là fait partie de la patience de Dieu, qui accorde du temps aux perdus pour se repentir (Actes 17.30-31 ; Rm 2.4 ; 2 Pierre 3.9-10).
Notre passage, Matthieu 7.1-12, se compose de quatre sections : les versets 1-5, 6, 7-11 et 12. L’une des principales questions qui se posent à nous est de savoir comment ces sections sont liées les unes aux autres, ce que nous ferons en examinant chacune d’entre elles dans l’ordre.
Matthieu 7.1-5 (voir Luc 6.41-42) est relativement facile à interpréter en soi. Il s’agit, ironiquement, d’un avertissement à la fois sévère et humoristique contre la sévérité hypocrite au sein du peuple de Dieu. La rigueur de la déclaration du Seigneur est soulignée par son reproche : « Hypocrite » (Mt 7.5; voir Pr 3.11 concernant la sagesse et la prise en compte de la réprimande du Seigneur). Ailleurs, Jésus parle de ceux qui, à l’extérieur, sont des hypocrites (par exemple, Mt 6.2, 5, 16, 15.7, 22.18) sur lesquels il prononce des « malheurs » (voir Matt. 23.13, 15, 23, 25, 27, 24.51). Mais ici, la censure de l’hypocrite trop critique attire notre attention, et elle appelle à une réflexion sobre sur nos propres vies et attitudes.
L’humour de Matthieu 7.1-5 réside dans le contraste entre l’hypocrite qui a une « poutre » (ou poutre de toit) dans l’œil et la « paille » (ou particule de sciure) dans l’œil de son frère. Un érudit a noté l’« extravagance » de l’enseignement de Jésus dans des endroits comme celui-ci, dans le but d’attirer l’attention de son auditoire et, dans ce cas, d’accentuer l’absurdité de l’hypocrite hypercritique. En fin de compte, l’hypocrisie n’a pas sa place parmi les citoyens du royaume des cieux, et elle est particulièrement abominable parce qu’elle déshonore Dieu (voir Rm 2.23 dans le contexte). Au contraire, nos vies doivent se conformer à la réalité transformée que nous sommes une œuvre divine de nouvelle création par l’Esprit (Rm 6.4 ; Eph 2.10). L’éthique corollaire de Matthieu 7.1-5 est la pureté de l’amour et de la miséricorde envers les autres dans l’obéissance à un Roi qui fait lui-même preuve d’une douce compassion envers tous (par exemple, Mt 11.28-29).
En Matthieu 7.6, Jésus utilise une métaphore qui fait référence aux chiens, qui, dans la culture juive ancienne, étaient des animaux essentiellement vils (par exemple, Ex 22.31 ; 2 Rois 8.13 ; Ap 22.15), comparables aux insensés (Pr 26.11), ou aux faux docteurs au sein d’une assemblée (Phil 3.2 ; 2 Pierre 2.1-22). Les pourceaux, eux aussi, étaient des brutes impures comme dit le proverbe (2 Pierre 2.22), de sorte que l’avilissement du fils prodigue est illustré en ce qu’il doit nourrir les pourceaux, et qu’il a même envie de leur nourriture immangeable (Luc 15.15-16). Les perles étaient particulièrement précieuses dans le monde antique (par exemple, Mt 13.46 ; Ap 21.21), bien qu’elles soient évidemment très inutiles pour les pourceaux. Ces chiens qui n’ont aucun intérêt pour les choses sacrées qu’on leur jette étaient des chiens sauvages, qui erraient en meute dans les villes (Ps 59.6, 14), et non des chiens d’appartement qui pouvaient manger les restes sous les tables (par exemple, Mt 15.27).
Quel est donc l’objectif de Jésus lorsqu’il fait cette déclaration mémorable en Matthieu 7.6 ? La meilleure réponse consiste à la relier aux versets 1 à 5, où Jésus vient de mettre en garde contre le danger d’un jugement hypocrite sur son « frère », qui identifie l’autre personne comme un membre de l’Église, qu’il soit frère ou sœur. Mais Jésus termine en disant que nous sommes obligés de nous aider les uns les autres, même si cela implique des exhortations et des reproches : « ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère » (Mt 7.5). De nombreux passages du Nouveau Testament confirment cette responsabilité que nous avons les uns envers les autres (par exemple, Mt 18.15-17 ; Ga 6.1 ; 1 Thess 5.14 ; Hé 3.13), l’exemple le plus frappant étant la réprimande de Paul à l’égard de Pierre à Antioche (Ga 2.11-14).
Ce que Jésus dit en Matthieu 7.6, c’est qu’il faut faire preuve de prudence lorsqu’on adresse un avertissement à un frère ou à une soeur dans l’Église. Il faut faire preuve de sagesse et de discernement dans la manière dont on s’y prend, et à qui on l’adresse. Notre réprimande des étrangers – plutôt que par le Seigneur – est vouée à l’échec, comme l’illustre si dramatiquement la parabole du verset 6 (voir Jude). Mais la restauration d’un frère ou d’une sœur est toujours d’une grande importance et « couvrira une multitude de péchés » (Jacques 5.19-20).
Nous constatons également que la section suivante (Mt 7.7-11) n’est pas difficile à comprendre en général, mais qu’il est difficile de la relier aux déclarations qui l’entourent. Les versets s’ouvrent avec l’assurance que la prière à notre Père sera exaucée en raison de sa bonté paternelle, de sorte qu’il se réjouit de fournir à ses enfants ce dont ils ont besoin. Le terme « chercher » (v. 7) rappelle l’enseignement de Jésus en Matthieu 6.25-34 sur l’abondance des provisions du Seigneur, qui nous soulage de l’angoisse du lendemain.
Mais comment les versets 7 à 11 s’intègrent-ils dans le contexte ? La réponse se trouve dans le passage parallèle de Luc (Luc 11.9-13), qui présente une différence essentielle avec le récit de Matthieu à la fin. En Matthieu, le Père donne de « bonnes choses » à ceux qui demandent et cherchent (Matthieu 7.11), alors qu’en Luc 11.13, Jésus dit : « à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent ». Le Saint-Esprit est la quintessence du bon don fait aux enfants de Dieu, car en lui nous avons tout ce qu’il faut pour grandir dans la piété en cette vie et pour la vie de résurrection en l’âge à venir.
Nous voyons maintenant le lien entre Matthieu 7.7-11 et son contexte. Nous avons le privilège d’intervenir les uns pour les autres lorsque la restauration et la repentance d’un frère ou d’une sœur sont nécessaires (Matthieu 7.5-6). « Si quelqu’un voit son frère commettre un péché qui ne mène point à la mort, qu’il prie, et Dieu donnera la vie à ce frère, il la donnera à ceux qui commettent un péché qui ne mène point à la mort » (1 Jean 5.16). Dans certains cas, une telle intercession est accordée même pour ceux qui sont à l’extérieur (par exemple, Mt 18.15 ; 1 Cor 7.16 ; 1 Pierre 3.1). La vie éternelle par le moyen de l’Esprit Saint étant le don suprême que le Père peut nous accorder, nous devons prier pour les autres avec d’autant plus de zèle que Jésus l’enseigne en Matthieu 7.7-11.
Le dernier verset du passage (Matthieu 7.12) semble lui aussi déconnecté du contexte, mais il semble clair que la règle d’or qui y est énoncée se rattache tout particulièrement aux versets 1 à 5 et aux versets qui en découlent. Qui voudrait qu’un critique sévère, avec une poutre dans l’œil, essaie d’enlever la paille de notre œil ? Au critique, Jésus dit de traiter les autres comme il voudrait être traité. Et en conséquence, que vos actions envers les autres soient avec sagesse et discernement (Mt 7.6), et surtout avec une prière d’amour pour eux (Mt 7.7-11). Qui ne désire pas les prières de ses frères et sœurs ? Nous prions donc pour eux et nous accomplissons l’enseignement biblique (« la loi et les prophètes ») en nous acquittant avec amour de nos devoirs envers les autres (Lév 19.18 ; Mt 19.19, 22.37-40).
Mais si Matthieu 7.1-11 a mis l’accent sur la manière dont nous traitons nos concitoyens du royaume de Dieu, le verset 12 l’élargit maintenant à nos actions envers les sujets de ce monde également (« les autres » ; voir Luc 10.29-37). Jésus enseigne ici essentiellement ce qu’il précise ailleurs : nous sommes le sel et la lumière dans le monde comme des émissaires du royaume des cieux. Sans l’ambassade du royaume, le monde est insipide, aveugle et tâtonne dans l’obscurité la plus totale (voir Actes 17.27). Mais la manière dont nous traitons les autres à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église témoigne clairement de l’œuvre de la nouvelle création qui s’opère en nous : « À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jean 13.35). Ce passage de Jean est un bon résumé de l’enseignement de notre Roi en Matthieu 7.1-12.
Cet article a été publié à l’origine dans le Tabletalk Magazine.