L’Évangile immuable
9 décembre, 2022Le témoignage de Marc
14 décembre, 2022Le témoignage de Matthieu
Note de l’éditeur : Ceci est le deuxième chapitre de la série Les évangiles.
Dans l’histoire des études bibliques, nous avons assisté au cours des deux derniers siècles à la montée de ce que l’on appelle la « haute critique ». Une grande partie de la haute critique est alimentée par le scepticisme à l’égard de la fiabilité des textes bibliques. Étant donné que les chrétiens orthodoxes s’opposent à de nombreux arguments de la haute critique, ils négligent parfois certaines connaissances précieuses qui peuvent être acquises par l’analyse critique du texte. Certaines de ces analyses peuvent être très utiles à notre effort de recherche d’une compréhension exacte de la Bible.
La dimension qui est connue sous le nom de critique des sources est un élément de l’érudition critique qui peut aider à cela. Comme son nom l’indique, ce type de critique tente de reconstituer la manière dont les évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) ont été écrits.
L’hypothèse générale parmi les critiques des sources est que Marc a été le premier évangile écrit. C’est ce qui ressort d’une analyse de Matthieu et de Luc – Matthieu et Luc ont tous deux des éléments dans leurs évangiles qui sont communs à l’évangile de Marc. En même temps, il y a des éléments communs à Luc et à Matthieu que l’on ne trouve pas dans Marc. Les chercheurs tentent alors de rendre compte de ces informations communes à ces deux évangiles et absentes de l’évangile de Marc. L’hypothèse de travail est que Matthieu et Luc, en plus d’avoir Marc comme source d’information, avaient une deuxième source indépendante que Marc n’a pas utilisée. Cette seconde source indépendante est simplement appelée la « source Q ».
Cette lettre Q est utilisée car elle est la première lettre du mot allemand quelle, qui est simplement le mot pour source. En d’autres termes, la source Q est une source qui nous est inconnue mais qui était connue des évangélistes Matthieu et Luc. Une grande partie de cette analyse est spéculative et hypothétique. Les spécialistes ne s’accordent pas sur la question de savoir si la prétendue source Q était une source écrite partagée par Matthieu et Luc, ou simplement une tradition orale à laquelle ils avaient tous deux accès. Quelles que soient nos conclusions sur la méthode utilisée par les évangélistes pour compiler leurs textes, l’analyse que nous avons vue nous donne un clair avantage. En isolant le matériel qui se trouve dans Matthieu et seulement dans Matthieu, ou en isolant le matériel qui se trouve dans Luc et seulement dans Luc, ou en isolant le matériel qui se trouve dans Marc et seulement dans Marc, nous obtenons des indices à propos du public auquel l’auteur adressait ses informations, ainsi que sur les thèmes majeurs de l’évangile en question.
Par exemple, en examinant l’évangile de Matthieu, nous trouvons plus de citations et d’allusions aux Écritures de l’Ancien Testament que dans n’importe quel autre évangile. Ce seul fait accrédite l’idée que Matthieu adressait son évangile principalement à un public juif, afin de montrer comment Jésus, le Messie tant attendu, a accompli les prophéties de l’Ancien Testament.
Nous voyons également dans l’évangile de Matthieu une forte condamnation du clergé juif de cette période de l’histoire, responsable de la destruction de Jésus. Les scribes et les pharisiens sont particulièrement montrés du doigt, car Matthieu nous rapporte le jugement de malédiction prononcé contre les scribes et les pharisiens à cause de leur hypocrisie. Dans un domaine quelque peu connexe, nous trouvons également dans Matthieu plus d’informations concernant l’enseignement de Jésus sur l’enfer que partout ailleurs dans les quatre évangiles.
Cependant, si nous devions chercher un seul thème qui semble être le thème le plus central et le plus important de tout l’évangile de Matthieu, ce serait le thème de la venue du royaume. Nous voyons en premier lieu que le terme évangile fait référence à l’évangile du royaume – la bonne nouvelle de l’annonce de la percée du royaume de Dieu. Dans le cas de Matthieu, il utilise l’expression « royaume des cieux » plutôt que la terminologie « royaume de Dieu ». Il ne le fait pas parce qu’il a une vision différente de la signification, ou du contenu, du royaume de Dieu, mais plutôt par sensibilité envers ses lecteurs juifs, il fait un usage courant de ce qu’on appelle la périphrase, un certain type de circonlocution pour éviter de mentionner le nom sacré de Dieu. Ainsi, pour Matthieu, la doctrine du royaume des cieux est le même royaume que celui dont les autres auteurs parlent comme étant le royaume de Dieu.
Matthieu parle de la percée du royaume et de l’arrivée de Jésus dans son incarnation. Il annonce la venue du royaume au début du ministère public de Jésus, et à la fin du livre, Matthieu parle de la consommation finale de la venue de ce royaume dans le discours du Mont des Oliviers. Ainsi, de la première page de Matthieu à la dernière page, nous voyons le thème unificateur de la venue du royaume de Dieu dans l’apparition du Roi lui-même, qui est le Messie d’Israël, et dans l’accomplissement du royaume donné à Juda.
L’évangile de Matthieu est riche en informations détaillées sur l’enseignement de Jésus et en particulier sur ses paraboles, qui ne sont pas toujours incluses dans les autres évangiles. Encore une fois, le point central des paraboles de Jésus est le royaume, où il introduit les paraboles en disant « le royaume des cieux est semblable à ceci » ou « le royaume des cieux est semblable à cela ». Si nous voulons comprendre la signification de l’apparition de Jésus dans la plénitude des temps pour inaugurer le royaume, et tout le sens de l’histoire de la rédemption, nous voyons clairement apparaître ce point central dans l’évangile selon saint Matthieu.